Insidieusement le combat des primaires du PS s’insinue jusque dans les moindres recoins. Répondant à une proposition de Martine Aubry inspirée par l’économiste Daniel Cohen, Jean Pierre Jouyet, soutien de François Hollande, a clairement accusé le professeur d’être à la solde de la Grèce. Ambiance…
A chaque emballement de la crise, comme il le fait désormais régulièrement, Jean-Pierre Jouyet, en bon pompier des marchés était sur toutes les ondes mardi 13 septembre. Patron du gendarme de la bourse à la scène, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy est également l’un des principaux conseillers économique de François Hollande à la ville. En bon libéral, répondant à une question, Jean-Pierre Jouyet a pilonné la proposition « de Martine Aubry, de créer une banque Européenne pour émettre des euros bonds. » Il en a profité pour tirer à boulets rouges sur son inspirateur, l’économiste Daniel Cohen. Il est vrai que l’homme lui offre un joli angle d’attaque : il cumule depuis plusieurs années son travail académique et celui très rentable de conseiller à la banque Lazard frères.
L’activité «conseils aux gouvernements» de Lazard Frères France se porte en effet comme un charme, comme le site Wansquare l’a noté début juillet : depuis que la Grèce a choisi la banque dirigée par Matthieu Pigasse, également dirigeant du Monde, le chiffre d’affaires de cette branche a bondi de 10,1 millions d’euros en 2009 à 23 millions en 2010. Le malheur des uns…
Par ailleurs, Jouyet et Cohen se connaissent bien. Ils se croisent régulièrement notamment au Cepremap ou le premier est Président et le second directeur.
Pour Jean-Pierre Jouyet, cette proposition de nouvelle banque européenne est surtout pertinente pour ceux qui conseillent la Grèce, ses banques, et, accessoirement ses responsable politiques : « Je conçois que quand vous conseillez la Grèce, vous avez intérêt à avoir une banque publique européenne qui émette des euros obligations pour aider les grecques. » Et pour ceux qui n’auraient pas compris, Jean-Pierre Jouyet remet le couvert : « Il n’y a que ceux qui les conseillent, et moi je les comprends : si j’étais conseiller du gouvernement grec et payé par eux, je plaiderais aussi pour qu’une banque publique émette des obligations aux fins de financer la Grèce… » Un doux uppercut pour son collègue Cohen.
Jean-Pierre Jouyet n’a décidément pas fait le voyage pour rien comme dirait Thierry Rolland. Avant de lâcher l’antenne de France Info, il s’est fendu d’une dernier pique, brocardant « ceux qui préfèrent que l’on tire de l’argent sur le dos du contribuable, j’allais dire de manière gratuite au profit des Grecs. » On croirait entendre Merkel, ou Marine Le Pen.
De son côté, interrogé par Marianne sur cette violente attaque centrée sur le mélange des genres, Daniel Cohen ne semble pas percevoir le moindre conflit d'intérêt entre son rôle de conseil privé du gouvernement grec à travers la banque Lazard et celui de conseil d'un responsable politique socialiste, arguant, que «
les fonds actuels suffisent a ça. La banque vise a disposer des ressources suffisantes pour contrer une spéculation sur l'Italie. Le statut de banque permettrait a l'EFSF de se refinancer auprès de la BCE. En gros il s'agit de créer une banque pour faire ce que la BCE n'a pas envie de faire
.»
Décidément la primaire académie est bien lancée. Elle touche maintenant le monde feutré des économistes huppés.
Emmanuel Lévy - Marianne
http://www.marianne2.fr/Crise-grecque-Jean-Pierre-Jouyet-balance-un-scud-a%C2%A0Daniel-Cohen_a210315.html